vendredi, juin 09, 2006

La griffe de l'artiste (2/2)

(...)

La police à présent est là. Un inspecteur et deux larbins qui courent partout, motivés par l'excitation d'être enfin sur un meurtre. Ils sont sans doute heureux d'avoir été appelés pour autre chose qu'une dispute entre deux alcooliques occasionnels ou pour un accident de la route. Ils sont tellement heureux d'être enfin sur une vraie affaire qu'ils en oublient complètement que le corps qui gît à leurs pieds n'est pas qu'une victime. Non, elle est … était … Sabrina, la femme que j'aime. Une femme qui pleurait toutes les larmes de son corps en regardant Love Story même pour la 200ème fois. Une femme qui riait en voyant mon nez couvert de lait. Une femme qui regrettait de ne jamais avoir su dire "je t'aime" à sa maman de son vivant. Pour eux, ce n'est qu'un numéro sur un dossier, une description enregistrée sur un dictaphone, un cas à raconter aux amis pour rouler des mécaniques. Une vague de violence tente de me prendre d'assaut. Je ne suis plus à une gorge tranchée près. Mais je me retiens. Ils ne m'ont pas remarqué et c'est très bien comme ça. Je préfère les laisser faire le travail, même si celui-ci m'écoeure, et garder ma tranquillité.

L'air frais vient me gifler au moment où je sors. Le ciel, sans doute est rancunier. Je tourne le visage sous ce coup accusateur. Une larme que je n'avais pas remarquée quitte alors mon visage pour aller mourir au vent. Je me sens seul pour la première fois depuis que je t'ai tuée. Bien sûr j'avais déjà été seul avant toi mais la solitude est à présent chargée de ton absence et ça la rend moins supportable.

Qu'ai-je fait ? Mon Dieu, qu'ai-je fait ? Ai-je vraiment donné à notre Amour l'éternité qu'il méritait ? T'ai-je vraiment sorti des griffes de celui que tu as cru aimer ? Je suis un assassin. Mais mon crime est double puisqu'en t'ôtant la vie, c'est aussi une partie de moi que j'ai tuée.

J'avance dans les rues sans vraiment savoir où je vais ni même où je suis. Me perdre. Quitter tout repaire. Echapper à cette nouvelle vie qui m'ouvre ses bras décharnés. Ne plus rien ressentir. Eviter toute émotion qui ne soit pas de l'amour pour toi. Je veux dédier mon cœur à ta mémoire pour toujours. Je ne veux plus rien. Je n'attends plus rien.

Je sens soudain un regard insistant posé sur moi. Je ne l'avais pas remarqué tout de suite mais le vent s'est fait le complice de ce regard en m'apportant un parfum que je connais très bien. La personne qui me regarde porte le même parfum que le tien. Un parfum subtil où de timides fleurs suivent sagement les essences de vanille. Je relève la tête et vois une femme juste devant moi, me regardant avec un sourire ému. Elle s'approche. Je reste figé sur place. Perplexe. Absolument pas préparé à ces yeux sur moi. Elle tend une main vers moi en dit : "Ooooh quel mignon petit chat".


L'Oursin Vert.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Bon... apparemment c'est encore à moi de faire le premier commentaire... zêtes où les autres? Hé oh! Y'a personne? L'Ami? Pas là non plus?...
Bon... me v'la bien embetée...
Pas parce que je n'ai pas aimé, non, pas du tout, j'ai énormément aimé, j'ai même relu plusieurs fois juste pour la beauté du texte, pour être sûre d'en avoir savouré chaque mot. Mais me voilà bien embêtée parce que ça me fait penser à une nouvelle que j'ai lue et je suis totalement incapable de retrouver le titre et l'auteur! Je bloque sur ce que je viens de lire tellement j'ai aimé. Chaque mot est à sa place, chaque phrase évoque une image... et la fin balance une baffe fénomenale parce qu'on a enfin la révelation de ce qu'on pressentait depuis pas mal de temps (pas vous?) sans que le cerveau ose trouver ce que c'est... et pourtant il a cherché, ce petit cerveau... il se disait bien qu'il y avait comme "un truc pas normal", un "truc" qui lui échappait, comme quelquechose qui lui disait que quelquechose dans les images qu'il voyait n'allait pas dans la bonne direction. J'adore ça!
Si tu te lance dans une carrière de romancier, je serai ta première fan l'Oursin! Si si, mieux qu'une fan, une groupie ;-p
Bon aller, je résume ce commentaire balourd et maladroit: BRAVO l'Artiste!

Anonyme a dit…

De part tes mots choisis avec finesse et subtilité tu arrives à donner une vie à ton oeuvre, à remplir nos yeux de tes images tantôt effrayantes, tantôt pleines d'amour
Ah ... l'amour incontrolable parfois et qui nous fait dire ou faire des choses dont on ne se savais pas capable ...
L'amour est la plus grande des forces

Le coeur de l'ocean

Oursin Vert a dit…

Très bien vu pour la vanille ... très bien vu :-) Ce n'était effectivment pas innocent de ma part.

Anonyme a dit…

Mignon, mignon ... C'est pour ça que j'ai jamais voulu un chat.

Grrrrr, zut ! Me suis fait eu :-p
Evidemment, je l'avais vu venir, comme disait Anita. Sans doute parce qu'on a les mêmes lectures, j'ai de l'entrainement ;-), mais c'était bien fait.

Juste pour critiquer, parce j'aime bien critiquer, le premier (enfin premier, pas tout à fait, mais moi aussi j'ai le droit d'être mystèrieux) indice était un peu trop "gros". Pour le début quoi. Peut-être qu'on peut s'en passer, que sa deuxième évocation est suffisante de mystère, et arrive plus à point puisque plus proche du dénouement. En même temps, je dis ça, mais il est quand même bien passé, parce que je me suis dit "ouais, pourquoi pas"; en même temps que "Heuu, non, ça sera pas possible, on va bien voir ou il veut en venir". Bref, j'ai juste crochepatté, sans que ça ne me gache le plaisir, ou que ça ne m'empèche de finir cette course vers l'explication final. Et puis, c'était pas ça qui me donnait la fin, qui est finalement vraiment "surprenante" et tellement ... juste.
Oui, je critique, mais je patauge :-p

Tu vois, quand tu veux :o)

Anonyme a dit…

Bravo!
Très joli.
Oui je sais, le commentaire est un peu court.

Oursin Vert a dit…

Court .... mais très bien :-) Merci pour ce commentaire Papy.

L'Oursin Vert